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Le sampling : vers une autorisation systématique des labels ?

Le sampling : vers une autorisation systématique des labels ?

 

Le 12 Décembre 2018, l’avocat général M. Maciej Szpunar présentait ses conclusions  devant la  Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) laquelle a été saisie par la Cour Constitutionnelle Allemande afin de déterminer si l’incorporation dans une œuvre musicale seconde en boucle, sous forme de sampling, d’une séquence rythmique de 2 secondes issue d’une œuvre musicale première porterait atteinte aux droits voisins du producteur du phonogramme de l’œuvre[1][i].

L’avocat général affirme dans ses conclusions que le producteur de phonogramme bénéficierait d’un droit absolu d’autoriser ou d’interdire l’incorporation d’un extrait de son phonogramme, dans le cadre du sampling.

 

Une protection plus large que le droit d’auteur :

Afin de pouvoir revendiquer des droits d’auteur sur l’œuvre première, cela implique de démontrer l’originalité de l’extrait repris sous forme de sample.

Le droit  du producteur du phonogramme existant indépendamment de la protection de l’œuvre éventuellement contenue dans ce phonogramme, l’avocat général estime qu’il importe peu  que la reprise de l’extrait issu de l’œuvre première sous forme de sample soit originale ou non.

L’avocat général estime ainsi que le droit du producteur du phonogramme peut être plus étendu que le droit d’auteur, quelle que soit sa vocation première laquelle avait pourtant pour objectif de conférer des droits équivalents à tous les acteurs de la création.

 

L’exclusion de la courte citation

En France, l’exception de courte citation prévue à l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, ne peut être retenue notamment qu’à condition qu’elle ait une finalité critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information[2].

C’est cette condition qui rend difficile l’application de la courte citation à l’usage du sampling,

Cette condition n’est pas posée par l’article 5.2 de la directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins qui cite  la finalité critique ou de revue de la citation, à titre d’exemple uniquement[3]

Néanmoins, pour l’avocat général le sampling ne peut pour autant constituer une courte citation de l’œuvre première car selon lui, si la finalité critique ou de revue n’est pas requise par la directive, l’exception ne peut se concevoir que dans le seul cas où la citation sert  « à entrer dans une sorte de dialogue avec l’œuvre citée » ou encore lorsque « une interaction entre les deux œuvres est nécessaire.

 

Une protection qui prime sur la liberté d’expression

L’avocat général considère que la mise en balance des droits d’auteurs et de la liberté d’expression telle que posée par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE , ne devrait pas conduire à limiter le droit d’auteur, dans le cadre d’une utilisation telle que le sampling.

Selon l’avocat général une mise en balance en faveur de la liberté d’expression/d’art ne se conçoit que dans le cas de risque de « censure » mettant un frein à la libre diffusion des idées/des œuvres. Cette mise en balance en faveur de la liberté des arts n’aurait pas vocation à s’appliquer lorsque les œuvres ne sont pas utilisées pour interagir entre elle.

Cette opinion vient à contrecourant de la jurisprudence de la Cour de Cassation sur les œuvres composites laquelle avait elle-même emboité le pas sur celle de la CJUE .

C’est ainsi que pour mémoire la Cour de Cassation avait pu considérer que l’incorporation par un peintre d’une photographie dans son œuvre ne nécessitait pas nécessairement une autorisation, sans une analyse des intérêts mis en balance.[4]

 

L’avocat général ferme la porte aux nouveaux usages des œuvres composites à l’ère numérique, en posant comme condition « une interaction entre les deux œuvres » tant pour l’application de la courte citation que pour la mise en balance des droits d’auteur avec ceux de la liberté d’expression  

Si la CJUE était amener à suivre son avis, le sampling mais également  les mash up et autres œuvres transformatives, pour lesquelles un assouplissement est revendiqué par certains[5], nécessiteraient des autorisations systématiques des ayants droit, du moins des titulaires de droits voisins.

 

 


[1]http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=8776D01502718B86FC9A24551B862C83?text=&docid=208881&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=3695585

[2]https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20081211&idArticle=LEGIARTI000006278917

[3] http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32001L0029&from=FR

 

[4] Cass. 1re civ, 15 mai 2015, n° 13-27.391 

[5] Le rapport Reda du 15 Janvier 2015 , le rapport Lescure 13 Mai 2013

 

 


 

Publié le 16/01/2019

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